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Entretien avec Laurent Baysse, champion de France de torréfaction 2021

Avec la victoire de Laurent Baysse, c’est avant tout l’amour et la passion d’un métier qui ont été récompensés par le plus beau des titres : celui du champion de France de torréfaction. Primé lors du Paris Coffee Show 2021, le Lensois revient pour Café Mag sur sa préparation, sa prestation à Paris et les championnats du monde qui l’attendent l’année prochaine.

Bonjour Laurent. Bravo pour ta victoire au championnat de France de Torréfaction ! Tu es donc notre champion de France 2021 de la discipline. Comment te sens-tu, quelques jours après ton sacre ? J’ai cru voir que tu as repris le travail très rapidement !

Bonjour Sébastien. Ce week-end du 11 au 13 septembre 2021 au Paris Coffee Show a été incroyable, riche en émotions, en rencontres, en partage et d’un très haut niveau. Je suis quelqu’un qui place l’humain en première ligne et forcément je passe encore par des phases où je me dis « Mais quelle histoire, quelle aventure professionnelle formidable ! ». Je suis honoré de ce titre bien sûr, mais à la fois, j’ai encore du mal à réaliser totalement en regardant les photos et les vidéos, que le vainqueur, c’est bien moi !

Je suis un travailleur du matin et dès 7 h le lendemain de la victoire, j’étais au pied de mon torréfacteur pour torréfier les cafés de la semaine. Un titre de champion de France de roasting ne fait pas le travail à votre place !

On t’a vu très ému lors de l’annonce du vainqueur. Qu’est-ce qui t’est passé par la tête à ce moment ?

A vrai dire, lorsque le classement tombe et que Pynick Thach est annoncé à la troisième place, je suis déçu de ne pas y être car c’était la place que j’avais obtenue lors des championnats de France de torréfaction du Collectif Café en 2019, et je voulais faire (au moins) aussi bien. Puis Alexis Gagnaire, que j’estime beaucoup pour son talent (avec qui j’ai pu faire la certification Q-Grader du CQI à Bordeaux en 2019) est annoncé en deuxième position ; alors, je me dis que c’est raté : même pas un top 3 ! A ce moment-là pourtant, mon nom est annoncé !

J’ai vu en l’espace de quelques secondes défiler devant mes yeux les visages de toutes les personnes qui ont participé de près comme de loin à faire de moi le torréfacteur que je suis aujourd’hui. Ça m’a bouleversé. J’ai tellement de reconnaissance pour tous ces professionnels qui ont su partager avec moi !

Qu’est-ce qui t’a poussé à participer à cette édition 2021 ? L’avais-tu d’ailleurs prévu pour 2020 (compétition annulée à cause de la crise sanitaire) ou est-ce justement cette longue attente qui t’a donné l’idée de sauter le pas ?

Depuis 2015 et mon passage au café de spécialité, je me suis remis au travail sur les conseils de Charlotte Mathieu (Bellangé) ; je suis donc retourné sur les bancs de l’école.

Formations, vente, merchandising, torréfaction, Q-Grader, concours MOF en 2018, concours meilleur torréfacteur de France en 2019,… Je voulais poursuivre cette aventure et me suis inscrit sur ce concours décalé en 2021.

Peux-tu nous résumer ces derniers mois, et ton entrainement ? Quelles sont les journées types d’un futur champion qui se prépare pour être le meilleur torréfacteur de France ? Aussi, as-tu eu des « mentors » ou des « entraineurs » qui t’ont particulièrement aidé ?

Je suis un autodidacte qui s’appuie sur les autres, ce titre couronne également une équipe de l’ombre et des années de travail. Seul, il est difficile d’y parvenir, mais à plusieurs, on peut déplacer des montagnes. Ma journée type commence de bonne heure, avec souvent le nez du café pour être le plus calibré possible sur les notes de dégustation, la torréfaction, la recherche et le développement de profils de courbes de cuisson, l’analyse de courbes …

Enfin, tout ce qui fait que notre métier est si passionnant !

J’ai eu beaucoup de chance : celle de pouvoir échanger avec mon ami Jérémy Vergne de chez Belco, celle de pouvoir torréfier sur Diedrich à Gand en Belgique avec mon ami Dajo Aertssen, vice-champion du monde de Cup Tasters 2019, de partager avec Paul Arnephy, Meilleur Ouvrier de France 2018, de travailler avec The Cupping club de Morgane Daeschner, d’apprendre avec Luz Stella Artajo Medina du CQI, bien évidemment la chance de pouvoir m’inspirer du travail de Veda Viraswami et d’avoir le soutien de ma famille, de ma femme au quotidien. Ce titre est aussi un peu le leur.

Revenons donc sur les épreuves. Peux-tu nous faire un résumé de la compétition, notamment la façon dont tu as abordé chaque étape (évaluation du vert, cupping, broche de test, …) ?

Pour l’évaluation du café vert, le fait d’avoir fait le Q Arabica Grader est un atout pour se calibrer. De plus, dans mon laboratoire SCA sur Lens, j’ai le même matériel d’analyse donc j’étais assez confiant sur cette épreuve, même si je ne suis pas un rapide.

Lors du training de torréfaction, le samedi, ce que je souhaitais mettre en place n’était pas parfait, j’ai donc retravaillé le samedi soir les dernières modifications de puissance brûleurs et temps d’injonction d’énergie en espérant pouvoir obtenir le lendemain le résultat attendu. Le dimanche, ma première broche sur l’Ethiopie était impeccable, je n’en ai donc pas fait de seconde sur le single.

Pour le blend, ma première broche n’était pas dans les limites de temps que je m’étais fixées et que j’avais annoncées, j’ai donc produit une seconde torréfaction en modifiant des réglages machines, le résultat final était atteint. Je savais à ce moment-là que j’avais réalisé ce que je souhaitais faire, c’était un kif énorme. Au niveau du cupping le lundi, je remarquais que mes tasses étaient en bonne position des participants, je croisais les doigts pour qu’il en soit de même avec le jury.

Il est probablement encore tôt pour avoir assez de recul, mais selon toi, qu’est-ce qui a fait la différence par rapport aux concurrents ? Est-ce ta constance au fil des stades de la compétition ?

Je n’ai pas encore, à l’heure où je rédige cet article, tous les documents de retour du concours. Je me suis bien évidemment posé la question. J’aime la cuisine et adore la faire pour partager avec la famille et les amis, la torréfaction est probablement aussi de la « cuisine » où notre sensibilité est retranscrite, enfin j’ose le croire. Après il y a bien évidemment tout le travail de préparation en amont, mais là aussi je pense que les autres candidats étaient bien préparés.

A l’inverse, si tu prends l’ensemble de tes prestations, as-tu eu des moments de doute ? Par exemple des erreurs que tu aurais souhaité éviter ?

Des erreurs j’en ai forcément fait et j’en ai en tête que je vais essayer de rectifier pour les championnats du monde. A la fin de ce concours, j’étais satisfait : j’avais pu réussir à dire ce que j’allais faire et à faire ce que j’avais dit ! Avant les résultats, quoi qu’il advienne, je savais que pour ce concours, j’étais au max de mes compétences, tout en étant conscient du travail qu’il me restait à fournir pour l’avenir !

T’attends-tu à des répercussions sur la Brûlerie du Cantin, notamment l’arrivée d’une clientèle plus « geek » ? Comment comptes-tu mettre à profit ton nouveau titre ?

Un titre n’est pas une finalité en soi. Depuis des années, je me fixe, à moi-même comme à mon équipe, l’objectif quotidien de mettre l’excellence au cœur de notre travail.

Il y a tellement de choses que je souhaiterais mettre en place : faire découvrir le café de spécialité à un maximum de gens, valoriser certains terroirs, mais aussi ma région, mon territoire lensois, sans oublier mes origines auvergnates ; mettre en avant les agriculteurs de cafés de spécialité les plus traçables possible, accompagner le café du coin… et, mon rêve, travailler avec des grands chefs.

Qui dit champion de France dit donc représentant aux championnats du monde ! De fait, ils se tiendront en Pologne, l’année prochaine. Comment comptes-tu t’entrainer ? Vas-tu suivre le même entrainement que pour la France ?

Je pense avoir trouvé une base d’entrainement à Paris ; enfin s’ils veulent bien de moi !

J’espère avoir le soutien d’un maximum de torréfacteurs qui sont sur Giesen 6 kg, puis n’oublions pas celui de la SCA France, Antoine Netien. J’espère enfin pouvoir profiter de l’expérience de Veda, troisième des championnats du monde et multi-champion de France. Il est pour moi un personnage emblématique et inspirant de la torréfaction française.

J’aimerais pouvoir arriver aux championnats du monde non pas en tant qu’individualité, mais en tant que représentant d’une équipe de France prônant l’excellence à la française.

Il ne me reste donc qu’à te féliciter une dernière fois et te souhaiter bonne chance pour les mondiaux ! En guise de conclusion, que dirais-tu aux torréfacteurs – qu’ils soient nouveaux dans le métier ou artisans depuis plusieurs années – qui hésitent encore à participer aux prochaines éditions du championnat de France ?

Il n’est pas simple de participer à un championnat de France, il faut du courage et je félicite encore mes confrères qui ont concouru lors de ce Paris Coffee Show. Aux novices comme aux confirmés, je me permettrais simplement de dire de ne pas avoir peur d’apprendre, de se former, de se remettre en question, de partager, de se dépasser, d’être passionné.

Le travail est une source d’épanouissement personnel pour peu qu’on aime le partager autour de soi, avec une excellente tasse de café bien sûr.

Retrouvez les cafés de spécialité torréfiés par Laurent Baysse sur le site de la Brûlerie du Cantin.

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