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Café de Colombie : connaître le pays pour en comprendre le produit. Partie 1/3.

Cette série d’articles sur le café de Colombie est écrit en partenariat avec CATA CAFE EXPORT, sous la plume de Pierre Fargetton.

Début Avril 2020, Alexandre Bellangé, directeur général de BELCO soulignait dans une interview à Gourmet Cup Magazine que la crise du COVID-19 faisait ressortir les failles de l’industrie du Specialty Coffee à un tel point que son sens même en était remis en cause.

Effectivement alors que l’humanité traverse une pénurie de biens et de libertés, notre capacité à être solidaire est mise à rude épreuve. On se heurte alors à notre compréhension quelque peu sporadique voir simpliste d’une économie finalement bien plus complexe que l’hyper mondialisation veut bien nous le faire croire. Tous les jours nous buvons notre élixir estampillé “Specialty Coffee”, nous connaissons l’histoire du barista et du torréfacteur de notre coffee shop préféré, nous savons discerner les notes de chocolats, de baies et de noix et nous nous étonnons de l’acidité si bien équilibrée d’un grand cru Colombien.

Mais que connaissons-nous de la vie du producteur? De son pays? Comment un café produit sur une ferme de moins de 2 hectares isolée dans les montagnes Colombiennes est-il arrivé jusqu’à nous?  Que savons-nous sur cet incroyable produit de la nature qui doit passer par une longue et complexe chaîne de production avant de pouvoir délivrer tous ses secrets? Qui sont les petites et moins petites mains qui nous permettent encore de continuer à profiter d’un plaisir que l’on croyait simple?

Bienvenidos a Colombia pour un triptyque journalistique afin de comprendre les origines  et rouages d’une tradition industrialisée de manière artisanale, et comment nous pouvons depuis notre confinement éviter que  le COVID-19 ne vienne brutalement bloquer la troisième vague du café qui promettait pourtant de si grandes choses.

VOLET I : UNE MACHINE NATURELLE A FAIRE POUSSER DU CAFE

Avec une production de plus d’un million de tonnes en 2019, la Colombie est le troisième pays producteur de café au Monde, c’est d’ailleurs pour cela que tous les sacs de café vert provenant de Colombie commencent par le chiffre 3. Le deuxième numéro imprimé correspondant au code unique à quatre chiffres de l’exportateur et le dernier numéro correspond au numéro de lot vendu.

Sacs de cafe prets a l’export.
Photo: CATA EXPORT

Étant située juste au dessus de la ligne équatoriale, la Colombie  bénéficie d’un climat stable sans réelles saisons à l’exception de  deux périodes pluvieuses en Avril et en Octobre qui lui offrent le luxe d’être le seul pays au monde à délivrer deux récoltes annuelles. Celle de Novembre s’appelle “la principal” alors que la plus petite dite “la traviesa” (la fourbe) débute en Mai. De plus, l’incroyable diversité de climats et reliefs du pays implique que ces dates varient d’une région à l’autre causant ainsi une légère rotation des mois de récoltes à travers le pays assurant du café frais disponible quasiment toute l’année. La fraîcheur est un critère absolument déterminant pour les torréfacteurs au moment d’acheter leurs cafés car outre le long périple pour lequel il doit ensuite embarqué, un café trop vieux révélera des notes peu ragoûtantes de papier, de céréales ou de légumineuses une fois torréfié.

Arbres à café en fleur, Tolima, Colombia. Photo: TOLIMACAFETERO.COM

Cumulant les exceptions, la Colombie est également le seul pays d’Amérique du Sud bordé par  l’océan Pacifique et l’océan Atlantique. Cette particularité géographique la rend donc très sensible aux variations climatiques liées aux phénomènes d’el Niño et de la Niña, qui peuvent affecter de manière positive ou négative les qualités ainsi que les volumes de production en fonction de l’altitude, des régions et des microclimats de chaque ferme.

Dans des régions telles que le Huila et Norte de Santander où les précipitations ne dépassent pas 1500 mm par an, la Niña apporte un coup de pouce bienvenu car l’augmentation des pluies rend les sols plus humides et favorise l’absorption des nutriments et donc la croissance et le développement des caféiers.

Par contre, le même phénomène rend les choses plus compliquées dans le Tolima et emblématique “Eje Cafetero” (Antioquia, Caldas, Risaralda, Quindio)  où les précipitations excèdent déjà les 2500mm annuelles. Effectivement 20% à 40% de pluies supplémentaire causent le lessivage des sols, à comprendre une acidification de la terre réduisant sa capacité à retenir les nutriments, ainsi qu’une baisse du niveau d’ensoleillement et donc moins de photosynthèse. Le triste résultat est un arbre à café dénutri, des grains moins nombreux, plus petits et une chute dramatique de la qualité de tasse.

Carte: CENICAFE

Dernier détail non négligeable, le taux d’humidité élevé ainsi que les températures plus basses rallongent et compliquent le processus de séchage, qui doit idéalement être naturel en “marquesinas” (lits africains sous serre) afin que le café conserve tous ses attributs. Le séchage en silo est bien évidemment pratique et peut intervenir comme substitut notamment mais il doit être utilisé avec beaucoup de prudence afin de ne pas générer de défauts ou de provoquer un vieillissement prématuré du grain. Le séchage fait toujours débat dans le monde du specialty, il mérite que l’on s’y attarde plus longuement et nous y reviendrons donc dans le 2eme volet consacré aux processus de productions.

El Nino, quant à lui provoque des sécheresses dans les zones déjà à risques (<1500 mm de pluie / an) et l’augmentation des températures favorise la prolifération du plus grand cauchemar des caféiculteurs: “la broca”. Cet insecte minuscule dont le nom signifie “mèche à perforer”  pond ses oeufs dans les cerises de café mûres et se nourrit des cerises encore vertes, causant une perte annuelle d’environ 500 millions de dollars au monde de la caféiculture. Originaire d’Afrique et importée aux Amériques début du siècle elle est rapidement devenue un problème global dû à une faible diversité génétique parmi les variétés de café cultivées, et sa prolifération grandit de manière exponentielle à cause du réchauffement climatique. Aujourd’hui présente dans 63 pays producteurs, de nombreuses études scientifiques suggèrent d’ailleurs une disparition possible du café si l’on ne prend pas rapidement les choses en main, mais ces études viennent surement des mêmes scientifiques qui nous avaient prévenu depuis longtemps des risques de la surexploitation des ressources ou d’une pandémie mondiale. Des fakes news en somme.

Grains de cafes attaques par la broca. Photo: SENA San Gil

Mais revenons-en à nos bourgeons. Face à ces problèmes météorologiques indomptables et des parasites incontrôlables c’est finalement  au caféiculteur seul que revient la délicate responsabilité de s’adapter d’année en année, voir de récolte en récolte, avec les outils rudimentaires disponibles dans un pays en voie de développement. 

Heureusement, les Colombiens sont un peuple incroyablement résilient. Grâce à une connaissance aiguë de leur terre, une attention particulière à chaque détail de chaque étape du  processus de production et leur amour pour le café qu’ils travaillent depuis des générations, ces hommes et ces femmes  savent faire preuve d’une grande capacité de réaction, de décision et d’innovation. Ils garantissent ainsi aux torréfacteurs de specialty un accès constant à une matière première de haute qualité afin que nous consommateurs, puissions déguster une excellente tasse toute l’année.

Don Elio, Finca la Montana, Boyaca, Colombia. Photo: CATA EXPORT

Il faut dire que la caféiculture est un pilier fondamental en Colombie puisque le café premier produit d’exportation après le pétrole et sa production nourrit plus de 2 millions de personnes. Pour mettre les choses en contexte la population totale est de 50 millions d’habitants répartis sur un territoire deux fois plus grand la France, et seulement 10 millions vivent en zone rurale. Autant dire que les Colombiens ont de l’espace pour produire tout ce dont ils ont besoin et ce toute l’année car rappelez-vous vous, ici  il n’y a pas de saisons. Mais alors pourquoi avoir choisi du cafe?

C’est simplement car bien que notre précieux Coffea Arabica se cultive à partir de 800 mètres au dessus du niveau de la mer, sa qualité augmente avec l’altitude. Or la Colombie est traversée par les Andes qui se divisent en 3 cordillères (Occidentale, Centrale et Orientale) totalisant 3400 km de long et dont le plus haut sommet s’élève à 5’360 mètres d’altitude (Nevado del Huila). Indépendamment de cette chaîne s’ajoute également le plus haut massif côtier au monde, la magique et majestueuse Sierra Nevada de Santa Marta, dont le mont enneigé culmine à 5775 mètres à seulement 42 kilomètres de la mer des caraïbes.

Une plantation de cafe dans la Sierra Nevada de Santa Marta. Photo: ADVENTURE COLOMBIA

Finalement la majorité des Colombiens ne connaissent pas le stress hydrique car plus de 50% des Paramos du monde se trouvent en Colombie. Les paramos sont des écosystèmes végétaux d’altitude situés au dessus des forêts tropicales et en dessous des monts enneigés. Ils fonctionnent comme des eponge naturelle qui capte l’humidité de l’air pour la redistribuer plus bas assurant ainsi un approvisionnement continue en eau de tous les systèmes hydriques et à 70% de la population colombienne.

Exemple de paramo en Colombie. Photo: departamentosdecolombia.com

On a donc un cocktail social géologique et météorologique parfait pour faire pousser un café de Colombie d’une délicatesse incroyable. Une altitude idéale, des quantités de terres ahurissantes, deux récoltes annuelles,  de l’eau en abondance et une main d’oeuvre aussi qualifiée que compétente. Avec de telles conditions naturelles réunies pour produire une café d’exception pourquoi la Colombie n’est-elle pas le premier producteur mondial ?

La deuxième partie de la série est disponible ici.

Antioquia, Colombia. Photo:  rutadelcafe.co

SOURCES:

A PROPOS

Pierre Fargetton, co-fondateur de CATA EXPORT nous ecrit depuis Bogota ou il est installé depuis plus d’un an afin d’assurer un lien direct et privilégié entre les caféiculteurs de Colombie et les torréfacteurs en Europe. La  mission de cette toute jeune entreprise qui a pourtant déjà plusieurs partenariats de renom est d’avoir un impact positif sur la vie des familles productrices grâce une rémunération élevée et en promouvant l’innovation garantissant ainsi une offre de qualité variée et originale aux torréfacteurs afin que chacun depuis son bout du monde puisse exprimer sa créativité sans limite.

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