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Jamison Savage et la Finca Deborah

Salut Jamison ! Pour commencer, faisons un petit voyage mental sur les terres de la Finca Deborah. Qu’est-ce que je vois quand j’arrive au Panama, dans la région de Boquete ?

Salut Sébastien ! Et bien… Quand tu arrives à la Finca Deborah, tu es accueilli par ce que la nature a prévu pour toi : une forêt de Geisha qui prospère sous une canopée luxuriante, composée d’arbres bénéfiques à la croissance des caféiers.

Une haute altitude, une grande densité d’arbres, une pluviométrie et donc une humidité adéquates… Aurais-tu trouvé l’environnement parfait ? Si tu devais changer un de ces paramètres pour avoir des conditions encore meilleures, quel serait-il ?

Tu as raison, le terroir de la Finca Deborah se prête parfaitement à la production de café ! De riches sols volcaniques mélangés à des matières hautement organiques, une activité microbienne active, des précipitations idéales entre 1900 et 2400 mm par an, des nuits très fraîches tombant à 12°C, un indice UV intense pendant la journée et des vents constants du nord et du sud. Bien qu’il ait fallu deux fois plus de temps pour produire du café (pour la moitié du volume qui se produit généralement) il y a peu de choses que je changerais. Allez… je dirais… la route !

Pas d’essence, pas d’électricité, pas de pesticide,… On pourrait penser que le meilleur café du monde est produit dans un endroit à la pointe de l’innovation technologique. Mais il n’en est rien. Tout est entièrement naturel. Avoir une empreinte sur l’environnement aussi faible que possible est une volonté dès le départ ?

Effectivement, nous ne sommes reliés ni au réseau d’eau, ni au réseau d’électricité. Aucune utilisation de pesticides ou d’herbicides n’est autorisée. Lorsque j’ai commencé Deborah en 2008, je voulais faire table rase des résidus chimiques, en particulier des herbicides. Je voulais aussi planter des variétés de mon choix et dans les zones les mieux adaptées. Bien que j’avais une idée très précise de ce que je voulais pour la Finca Deborah, j’étais également conscient que la nature a sa propre volonté, et le respect de cette volonté est au cœur de notre activité. Nous ne faisons pas dans la facilité et cela peut avoir des coûts économiques plus élevés, mais cela en vaut la peine et nous avons été récompensés avec des cafés qui sont considérés comme parmi les meilleurs au monde. Je crois fermement qu’une des principales raisons pour lesquelles nous avons atteint des niveaux aussi extraordinaires dans le café est à cause de cette culture de préservation et de respect de notre écologie. Les cafés de la Finca Deborah sont le reflet de leur terroir.

Peux-tu parler du mouvement biodynamique que tu as initié il y a quelques années ?

Le processus biodynamique est devenu un sujet d’intérêt pour moi lors d’une visite à Bordeaux. C’est là que j’ai été à plusieurs reprises en contact avec des vins produits en biodynamie. J’étais tellement impressionné par ces vins que j’ai commencé à me renseigner sur ce qu’était la biodynamie et comment cette méthode agricole pouvait avoir un impact si profond sur la saveur du vin d’une part, et l’écologie d’autre part. J’ai fait de mon mieux pour parcourir une partie du travail de Steiner et lire de nombreux autres travaux sur la biodynamie. J’ai pensé que si je pouvais produire un café qui avait la même vitalité que les vins que j’avais dégustés à Bordeaux, j’aurais quelque chose de très spécial,… et c’est ce que nous avons réussi à faire ! Je traite les cafés en biodynamie selon trois méthodes différentes : lavée, lavée en macération carbonique et naturelle. Ces cafés sont proposés exclusivement par L’Arbre à Café, à Paris, en France.

Il est impossible de parler de la Finca Deborah sans mentionner la variété Geisha. Qu’est-ce qui donne au Geisha cette qualité incroyable ? Tu travailles avec d’autres variétés ?

Ce n’est pas nécessairement que la Geisha en soi est de très grande qualité. Le stock de semences de Deborah a été acquis dans une ferme à 1300m d’altitude. Mais si l’on cup du café Geisha de cette ferme et de la Finca Deborah, on ne croirait pas qu’il s’agit du même stock de semences. C’est donc le terroir qui a le plus d’impact sur la qualité de la tasse, suivi de près par le process de transformation.

Je cultive de nombreuses variétés à la Finca Deborah : Geisha, Pacamara, Caturra, SL-28, Red Bourbon, Yellow Bourbon, Orange Bourbon, Yemen Moka, African Heirloom 112 et 110 et Sidra. Certaines ont montré une excellente adaptabilité à un environnement difficile, d’autres seront supprimées de la ferme, car elles ne se sont tout simplement pas bien adaptées.

Interessons-nous à l’organisation de la finca. Combien de personnes y travaille à temps plein ?

La Finca Deborah peut être considérée comme une petite « plantation-boutique ». Aussi, le personnel à temps plein y est d’environ 10 personnes. Si on compte les familles, peut-être 25-30 personnes. Ils sont responsables d’entretenir et prendre soin de la ferme : récolte, process (naturel), élagage, etc.

Quels sont les rythmes de récolte ? Avez-vous des travailleurs saisonniers pour vous aider ?

Nous avons une récolte sur l’année. Elle a généralement lieu de la mi-février à la mi-mai. Cela peut varier de 30 jours dans les deux sens. Mais le travail ne s’arrête pas parce que la récolte s’arrête. En fait, hors récolte, on a peut être plus de travail avec le maintien de la culture de couverture.

Nous n’avons vraiment pas de travailleurs saisonniers car nous préférons garder uniquement notre personnel à plein temps, mais lorsque nous avons besoin de cueilleurs supplémentaires, nous les engageons depuis une autre ferme qui fait partie de notre cercle proche.

Parlons de votre incroyable main d’œuvre venue du peuple Ngobe-Bugle, dont tu embauches beaucoup de cueilleurs de grand talent.

Nous sommes fiers que nos employés soient avec nous depuis des années et aient un sens de la communauté et d’appartenance à la Finca Deborah. Je pourrais te parler de la façon dont nous les aidons, mais je ne le ferai pas. Je dirai simplement que nous faisons très attention à leur travail et cela se voit dans la qualité de nos cafés. Cette qualité ne pourrait pas être atteinte sans un personnel hautement qualifié, consciencieux et qui sait ce qu’il fait. En fin de compte, c’est une question de confiance. Je leur fais confiance pour faire de leur mieux et ils nous font confiance pour les traiter avec dignité et les récompenser en conséquence.

Le traitement du café est un aspect fondamental de la Finca Deborah. C’est bien connu, tu travailles souvent sur de nouveaux process, à la recherche de grains parfaits. Peux-tu nous expliquer les différents process que tu utilises ?

Oui, le traitement « créatif » est une de mes passions et je suis prêt à prendre des risques dans ce domaine. 2020 est jusqu’à maintenant une des années les plus incroyables à ce niveau ; les cafés se sont avérés d’excellente qualité avec de nombreux nouveaux procédés qui m’ont même époustouflé. Je ne cesse de penser au prochain process, mais je me demande comment je vais me dépasser encore plus cette année !

Pêle-mêle pour 2020 (Note de Café Mag : nous avons volontairement laissé les noms de process en anglais, vous permettant ainsi de vous guider dans vos achats chez différents torréfacteurs) :

  • Carbonic Maceration; Natural and Washed,
    Variations : Echo, Illumination, Enigma, Symmetry, Evolution, Vivid, Synchronicity
  • Nitrogen Maceration; Natural and Washed,
    Variations : Interstellar, Limitless, Nirvana, Morpho, Tesseract, Brilliance
  • Traditional Anaerobic; Natural Symbiosis, Alchemy
  • Washed Terroir
  • Natural Afterglow

Comment se passe la vente de tes cafés ?

Une très grande majorité de nos ventes se font en relation directe avec les torréfacteurs.

J’imagine que certains torréfacteurs de longue date ont des exclusivités ?

Oui, je produis certains cafés spécifiquement pour des clients et ces cafés sont les leurs, en exclusivité.

J’imagine également qu’une grosse part de tes cafés est vendue avant même… d’être produite ?

Oui, nous commençons la pré-vente le 1er septembre et nous vendons généralement 80% avant la mi-décembre. Nous demandons ensuite un acompte de 20% pour les pré-commandes le 1er février.

La finca a-t-elle toujours eu la même taille, ou s’est-elle étendue ?

J’ai planté les caféiers sur plusieurs années depuis 2010, en gardant la même taille de terrain. Et la ferme est désormais pleine à 100%.

La Finca Deborah produits les cafés parmi les plus réputés au monde. Mais surtout, la qualité ne semble pas baisser. Comment maintiens-tu cette qualité au fil des années ?

Très bonne question. On ne sait jamais à quoi ressemblera la prochaine récolte jusqu’à ce que le café soit sur la table, dans la tasse. Heureusement, chaque année les cafés sont de mieux en mieux. J’attribuerais une grande partie de cela à deux variables. Tout d’abord parce que les arbres ont finalement atteint l’âge adulte et produisent des grains sains et congruents. L’autre raison est le traitement. J’ai apporté des améliorations notables à l’équipement de traitement et augmenté considérablement mon niveau de connaissances suite à de nombreux essais… et erreurs. Encore une fois, Finca Deborah est une plantation-boutique, donc le contrôle de la qualité est précis et l’attention au détail est… obsessionnelle.

Existe-t-il un « labo secret » dédié à la recherche & développement, où se prépareraient les cafés de demain ?

A vrai dire… oui, il y a bien un «laboratoire secret» où des expériences sont menées ! Je continue à aller de plus en plus loin avec mes expériences avec l’intention de concevoir la tasse la plus extraordinaire qu’il soit. J’aime ce que je fais et ce côté créatif est ce qui me motive à ne jamais cesser d’explorer de nouveaux processus et saveurs.

En plus de 10 ans d’existence, quelles ont été les principales difficultés, et comment les as-tu surmontées ?

Wow ! Je ne sais même pas par où commencer. Je dirais que ça a été jusqu’à maintenant un parcours épique rempli de hauts et de bas, exploré avec curiosité, où l’on a tout donné, et que l’on a apprécié à son maximum. En fait, je ne changerais presque rien.

Tes cafés ont gagné de nombreux prix (directement où au travers de compétitions de baristas) depuis 2016. Peut-on donc les classer dans la catégorie « cafés de compétition » ?

Je dirais que Finca Deborah produit des cafés de « niveau compétition », mais devraient, et seront, appréciés par n’importe quel amateur de café qui recherche cette qualité de café. C’est ce que je souhaite, tout du moins.

Merci beaucoup Jamison. Dis-moi.. où vois-tu la Finca Deborah dans 10 ans ?

Dans dix ans, j’espère que nos cafés offriront toujours une excellente qualité en tasse et ouvriront de nouvelles voies de process de transformation. Merci beaucoup pour cette interview !


Continuez votre visite sur le site web officiel de la Finca Deborah.

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