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Connaissez-vous le café intégral ?

Nous avons rencontré Damien Abel, le principal promoteur du café intégral, pour tout savoir de cette petite révolution qui arrive dans nos tasses. Chez Café Mag, nous avons gouté et sommes fans de cette infusion à mille lieux du café torréfié et développant une palette aromatique (au nez et en bouche) plus large que celle de la cascara.

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Damien, on connaissait la consommation du grain café, de la cascara mais tu nous fais découvrir… l’intégral : l’infusion de toute la cerise. Comment t’es venue l’idée de créer ce mode de consommation ?

L’aventure a commencé par une rencontre, celle d’un « inventeur » qui a mis au point une technologie permettant de transformer des fruits à basse température tout en conservant un maximum de leurs propriétés bénéfiques pour la santé, notamment le fruit du caféier et celui du cacaoyer. En l’accompagnant sur deux salons internationaux de la gastronomie et des produits biologiques en Italie, j’ai alors découvert les produits d’innovations qu’il proposait : compléments alimentaires en gélules, en goutes, poudre à intégrer dans un smoothie/milkshake ou dans des barres énergétiques/gâteaux, etc.

Après avoir passé un mois à ses côtés, je suis allé au Costa Rica dans la Coopérative de producteurs travaillant en collaboration avec cet inventeur, et qui produisait directement ces produits d’innovation. J’ai alors passé 5 mois à développer pour eux une stratégie de commercialisation pour leur produit, et notamment concernant leur produit phare : un mélange de cerises de café et de cacao en poudre à servir en smoothie ou en « chocolat chaud ». A la fin de cette expérience, les gérants de la Coopérative m’ont alors proposé de devenir l’ambassadeur de ces produits d’innovations en Europe. Étant donné qu’il me restait encore une année d’étude et qu’il s’agissait de produits vraiment novateurs, j’ai décidé de me concentrer dans un premier temps sur l’étude du marché de ces différents produits, et de les faire tester autour de moi. Je suis alors rentré en France avec leur produit phare (cerises de café et cacao, en poudre), mais également avec la matière première de ce produit qui a particulièrement attiré mon attention lors de ma visite de l’usine de production et que j’ai décidé de vulgariser sous le nom et la marque de Café Intégral.

J’ai alors commencé à introduire ces nouveaux produits en étudiants les différentes manières dont ils pouvaient être consommés. C’est en rédigeant mon mémoire de recherche sur le thème de l’écologie et de la filière du café que je me suis rendu compte des différentes problématiques que connait ce secteur. J’ai alors réalisé que ce Café Intégral pouvait représenter une réelle solution à la fois pour les agriculteurs de café, pour les consommateurs mais également pour l’environnement. J’ai donc décidé de me focaliser sur la distribution de ce nouveau produit et ce nouveau mode de consommation du fruit du caféier. 

Des siècles pour le café, des dizaines d’années pour la cascara… Comment expliquer que personne ne se soit penché sur la commercialisation du café intégral ?

Voilà une question que l’on me pose souvent et que je me pose moi-même depuis le début de l’aventure. 

Une des réponses la plus simple et logique est que le café s’est démocratisé sous la forme torréfiée telle que nous la connaissons et qu’avec le temps, ce mode de production et de consommation n’a tout simplement pas été remis en cause : « c’est la tradition et c’est comme ça ». Les raisons de la torréfaction à l’origine provient peut-être des conditions sanitaires de l’époque (des bateaux qui mettait des mois et des mois à traverser les mers au gré des températures, des taux d’humidités et des moyens de conservations très variables) ne permettant pas d’importer tout le fruit du caféier dans de bonnes conditions ; peut-être des saveurs recherchées qui étaient plus proches de l’amertume que de saveurs fruités ; peut-être du fait que l’étape de la torréfaction soit une étape obligatoire entre le producteur et le consommateur permettant ainsi aux négociants et torréfacteurs de se rendre indispensable et donc de pouvoir conserver une plus grande partie des bénéfices financiers liés à la vente…
Peut-être un peu des trois et sans vraiment en avoir la certitude.

Concernant la cascara, développée plus récemment, elle est liée à une prise de conscience sur le fait que l’industrie du café génère un gaspillage gigantesque en jetant une grande partie du fruit qui s’avère pourtant être excellente pour la santé. Naturellement, l’idée est née de récupérer une partie de ces « déchets » pour en proposer à la consommation. 

Venons-en au Café Intégral. Ne croyez pas qu’il est facile de changer une habitude de consommation du jour au lendemain. Georges Courteline (dans La Philosophie de Georges Courteline) écrivait déjà il y a plus d’un siècle « On change plus facilement de religions que de café ». Il m’est arrivé à plusieurs reprises d’être face à des gens qui me disaient : « ça peut être mieux pour la planète, la santé, les agriculteurs… c’est très bien… mais moi j’ai besoin de mon goût de café torréfié ». Je ne me permettrais pas de critiquer le fait que chacun ait ses petites habitudes, et ses petits plaisirs. Mais cela présente au moins l’avantage de comprendre pourquoi le café intégral n’a pas encore remplacé le café torréfié, tout comme le fait que la cascara de café soit encore la plupart du temps jetée plutôt que servie en infusion. Mon objectif aujourd’hui, c’est de prouver qu’il est possible de retrouver ces petits plaisirs gustatifs à travers une nouvelle manière de consommer le fruit du caféier, offrant une large palette d’arômes et de saveurs tout en apportant une réponse très concrète aux problématiques écologiques et sociales, de plus en plus présentes dans le secteur du café.

Concrètement, quelles sont les étapes de la « création » du café intégral ? Cela suit-il les mêmes process que le café traditionnel ?

Le détail du processus de « création » du Café Intégral ainsi que la technologie et le fonctionnement des appareils permettant la transformation des cerises de café de cette manière ont été placé sous secret commercial par « l’inventeur » de ces méthodes et procédés. Cependant, nous pouvons vous donner quelques éléments de réponses. Premièrement, il faut savoir qu’une fois la cerise récoltée, elle ne suit aucune des étapes similaires à celles du café « traditionnel ».

Nous intervenons avant même l’étape de séparation de la cascara et des grains de café vert, en évitant ainsi un gaspillage éventuel de 50 à 100L d’eau par kilogramme de café vert (lorsqu’il suit habituellement la méthode humide pour un café lavé). Nous commençons évidemment par retirer et laver les cerises de café, avant de confectionner le Café Intégral, notamment au travers de diverses méthodes de fermentation et de déshydratation à température contrôlée (sans dépasser 42°C) pour développer les différentes saveurs et arômes tout en conservant un maximum des bénéfices du fruit pour la santé.

Sur quelle variété est-on ? Cela change-t-il le résultat final ?

Pour l’instant, nous travaillons avec des cerises d’arabica (a.m.s.l.) au Costa Rica, récoltées et triées à la main, 100% mûres, garantissant des arômes uniques de chocolat avec de délicieuses notes de fruits. Étant donné que nous sommes sur un produit d’exception, nous nous devons de travailler avec une matière première de grande qualité. Évidemment, si nous changeons de variété ou de qualité, cela peut changer le résultat final.  

En tasse, qu’apporte la consommation de toute la cerise ? Plus sucrée ? Plus d’amertume ?

En tasse, ou dans un verre à pied tel qu’il est servi pour apprécier encore mieux et faire ressortir ses arômes, le Café Intégral apporte un tout nouvel éventail de saveurs. Plutôt qu’une boisson bien noire et très corsée influencée par la torréfaction, le Café Intégral se rapproche davantage des saveurs et de l’apparence de certains thés ou certaines infusions, aux couleurs dorées et aux saveurs plus légères. J’ai d’ailleurs vu à de nombreuses reprises des personnes qui me disaient ne pas aimer le café (torréfié) et apprécier le Café Intégral, bien différent.

On retrouve l’acidité de l’arabica d’altitude, très citronné, fruité, aux notes de figue, de datte, de baies de goji, caramel au nez, avec des arômes fortement cacaotés. Plutôt sucré, pas vraiment d’amertume, de l’astringence. Bien-sûr, comme pour le café torréfié, les saveurs dégagées dépendront également du mode de préparation et de la température de l’eau. Ainsi, je vous recommande de le préparer dans une cafetière à piston, dans une eau à une température de 70°C en le laissant infuser moins d’une minute. En plus de ces saveurs nouvelles et diverses, cette tasse (ou ce verre) vous apportera davantage d’antioxydants et d’acide chlorogénique qu’un café torréfié.


Un des inconvénients de la cascara est l’impossibilité, pour le moment, d’en importer en France. Il faut donc acheter le produit « fini » et le revendre tel quel. Je suppose que c’est la même chose pour le café intégral ? N’est-ce pas là un frein à sa démocratisation ?

Pour se démocratiser plus rapidement et à plus grande échelle, cela pourrait en effet être un frein. Cependant, l’un des objectifs de ce projet étant de redistribuer une plus grande part de la valeur aux agriculteurs pour qu’ils puissent s’en sortir, ce frein devient une force. En effet, cela oblige à tout faire sur place et empêche ainsi de potentiels spéculations en bourse ou des torréfacteurs industriels trop gourmands qui viendraient capter et conserver l’intégralité de la richesse en utilisant le passe-passe de la transformation.

Comme tu le précises sur ton site, le café intégral permet aux producteurs de réutiliser une partie du café habituellement jeté. Doit-on considérer que le café intégral est donc constitué de cerises de moindre qualité ?

Au contraire, pour obtenir le Café Intégral, il est nécessaire d’avoir des cerises de café d’excellentes qualités dès le départ. Cette partie habituellement jetée que représente la peau et la pulpe est d’ailleurs riche en antioxydants et a de nombreux bienfaits pour la santé lorsqu’elle est consommée. La plupart du temps, cette partie est jetée pour la seule raison que les producteurs ne savent pas quoi en faire.

Parlons caféine. Sur quel taux de caféine sommes-nous dans le café intégral ? Y-a-t’il également des effets bénéfiques sur la santé différents de ceux du café ?

Si l’on parle purement de caféine, nous sommes à 0,798g/100g soit 15,96 mg par tasse. Nous sommes donc à des doses entre 3 et presque 10 fois moins caféinées qu’un café torréfié. Entre le décaféiné et le café torréfié « classique », on se rapproche plutôt du niveau de caféine (théine) présent dans le thé. Cela est principalement dû au fait que sous l’effet de la chaleur (la torréfaction) la dose de caféine augmente. Or comme nous venons de le voir, le Café Intégral a été transformé à basse température.

Après avoir bu du Café Intégral, on ressent pourtant souvent une forte activation du métabolisme et de l’activité cérébrale. Cela provient des antioxydants, notamment de l’acide chlorogénique toujours présent en grande quantité dans le Café Intégral (alors que les composés polyphénoliques diminuent fortement à la torréfaction). En plus d’avoir des propriétés stimulantes, autant au niveau de la pensée, de la mémoire et de l’apprentissage que de l’endurance et la vitalité, ce dernier favorise la protection de l’organisme contre les radicaux libres, et retarderait le vieillissement cellulaire. Enfin, des études réalisées directement sur des extraits de cerises de café ont démontrées qu’ils augmentaient le niveau de BDNF plasmatique d’environ 143 %. Diverses études ont montré un lien entre le BDNF et certaines conditions de santé, telles que la dépression, les troubles obsessionnels compulsifs, la maladie d’Alzheimer, la démence et la maladie de Parkinson. En plus de prévenir de ces différentes maladies, cela favorise la neurogenèse. 

Le prix du café intégral est pour l’instant très élevé, même en comparaison aux cafés de spécialité les plus rares. Comment expliquer cela et comment comptes-tu proposer des prix plus attractifs ?

Pour l’instant, il est vrai que le prix du Café Intégral peut paraître élevé, bien que finalement raisonnable lorsque nous raisonnons par tasse (2g par tasse, soit entre 0,74 € et 0,84€), sachant que nous pouvons le repasser en moyenne 3 fois pour chaque portion (donc entre 0,25€ et 0,28€/tasse)). L’objectif à terme est en effet de le rendre encore plus attractif, et donc de baisser les prix. Cependant, pour l’instant, ce produit reste extrêmement rare (bien plus que l’or, la truffe ou que le plus luxueux des cafés par exemple) et en gérant de si petites quantités, chacun des coûts reste donc très élevé car nous ne bénéficions d’aucune économie d’échelle (en plus du café de très grande qualité utilisé).

Les tous premiers au monde à déguster ce produit s’offrent donc ce privilège à travers un prix relativement élevé, finançant ainsi l’avenir de ce projet. En effet, jusqu’à présent, nous réinvestissons l’intégralité des bénéfices dans le projet. En augmentant peu à peu le volume et la consommation du Café Intégral, nous pourrons nous permettre de proposer des tarifs plus attractifs, jusqu’à peut-être atteindre à très long terme un prix de vente plus bas que celui du café torréfié tout en rémunérant plus justement les agriculteurs pouvant ainsi vendre l’intégralité de leur récolte.  

Quels sont les prochaines étapes pour le café intégral ? Accélérer la production ? Démocratiser cette pratique dans d’autres fermes et pays ?

Mon travail depuis le début de ce projet a principalement consisté à développer la meilleure forme et manière de proposer et consommer ce produit d’innovation. Aujourd’hui, je travaille à faire connaître cette nouvelle alternative et reçois des retours très positifs, face à cette découverte qui pourrait transformer petit à petit la filière du café telle que nous la connaissons aujourd’hui. 

Les prochaines étapes du projet dépendront avant tout des consommateurs, de leur prise de conscience et des choix de consommation. Si trop peu de gens en entendent parler, ou en consomment, le projet risque de rester à une très petite échelle, voire de disparaître. Si au contraire de plus en plus de monde se tourne vers le Café Intégral (pour de nouvelles saveurs, une boisson plus responsable et respectueuse de l’environnement et des caféiculteurs ou encore pour ses nombreux bénéfices sur la santé et au niveau énergétique) alors la demande appellera une augmentation de la production, l’ouverture de cette nouvelle manière de faire dans d’autres coopératives, d’autres pays producteurs, développant de nouveaux arômes, de nouvelles saveurs, et apportant surtout un réel espoir d’avenir sur la filière. C’est à nous tous de construire notre future, dès maintenant. C’est d’ailleurs pour cela que je me suis moi-même lancé dans l’aventure !

Rendez-vous sur le site web officiel de Café Intégral pour plus d’informations et acheter vos sachets.

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