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Se reconvertir dans la torréfaction

Que le coffee geek qui ne s’est jamais posé la question de mettre un pied dans le monde professionnel du café lève le doigt ! Il y a quelques semaines, j’ai rencontré Mickael, qui a sauté le pas et créé sa propre marque de torréfaction (Les Cafés de Mick), en venant d’un milieu totalement différent. Si l’aventure de la torréfaction peut faire peur, il existe désormais de nombreuses solutions vous permettant d’appréhender le métier avec plus de facilité : formations, ateliers collaboratifs,… Partir de zéro, dompter le torréfacteur, acheter ses premiers grains et se lancer dans le grand bain, retraçons le parcours d’une reconversion réussie !

Bonjour Mickael. Peux-tu commencer par te présenter et nous dire ce qui t’a amené vers le café ?

Bonjour Café Mag, moi c’est donc Mickael, je suis Breton arrivé à Paris il y a 20 ans pour saisir les opportunités dans le domaine de l’identité visuelle et la communication digitale. J’ai été visuel merchandiser et web designer pour plusieurs marques de prêt-à-porter. A 40 ans et suite à un accident de vélo, j’ai décidé de quitter la grande entreprise pour laquelle je bossais, j’avais un gros besoin de changement et d’un peu plus de sens aussi. Aujourd’hui je suis freelance, toujours en direction artistique digitale mais aussi torréfacteur de café. Deux activités très différentes mais complémentaires. La première est un peu abstraite, virtuelle, alors que la deuxième est très concrète, plus manuelle et artisanale.

J’aime le café depuis toujours mais c’est dans les coffee-shops de l’Est Londonien où j’ai vécu 4 ans, que j’ai chopé le virus. Le kiff de goûter des cafés d’origines différentes préparés par des baristas passionnés. Et puis j’ai eu la chance de partir 1 ans en Amérique latine en 2016 et de visiter plusieurs plantations, de très petites fermes familiales au Guatemala et au Pérou. A mon retour, j’ai eu envie de participer à l’aventure du café de spécialité qui commençait à faire de plus en plus d’émules à Paris.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de faire précisément de la torréfaction ? Pourquoi pas embrasser le métier de barista par exemple ?

J’ai eu la chance de faire deux formations en 2017, l’une en torréfaction avec Florent Gout d’Esperanza et celle de Barista avec Mickael Portannier à l’école Lomi. Elles m’ont donné une vision globale des métiers du café mais je me suis plus senti à l’aise en torref, peut être parce que j’étais particulièrement nul en Latte Art !

Pour te former à la torréfaction, tu as passé quelques jours chez Esperanza Café, à Barcelone. Tu nous racontes ?

C’est ça, j’ai passé une semaine avec Florent; c’était un réel plaisir d’apprendre de cet expert passionné, particulièrement attentif aux problématiques environnementales et sociales des pays producteurs. J’ai appris à torréfier sur une petite machine d’1kg. J’ai réalisé l’importance d’utiliser ses 5 sens en torréfaction : la vue pour apprécier l’évolution de la couleur du grain, l’odorat bien sûr aux différentes étapes de cuisson, l’ouïe au moment du premier crack, le toucher et le plaisir de passer ses doigts dans les grains verts, puis dans le bac de refroidissement après torréfaction. Et enfin le gout, en cupping ou en dégustation pour déceler toutes les notes et la palette aromatique des cafés. Florent m’a donné les clés essentielles pour trouver le meilleur profil de torréfaction en fonction des spécificités de chaque grain.

Tu es donc formé, prêt à faire tes premiers batchs, et tu pars t’installer chez Beans on Fire, à Paris. Pourquoi avoir choisi cet endroit spécifiquement, et comment s’est passé le processus de « mise en route » ?

J’ai rencontré Maria de Beans on Fire et j’ai tout de suite adhéré à la philosophie du lieu. C’est un atelier collaboratif, nous sommes une dizaine à torréfier sur la même machine et à partager nos connaissances dans la mesure du possible. Au début Maria et Alicia étaient toujours là pour m’épauler en cas de besoin, car la machine peut être capricieuse !

Quelle est la structure juridique derrière les Cafés de Mick, et comment s’est déroulé la création de ton entreprise ?

Je suis clairement un adepte du collaboratif puisque je me suis également lancé en tant qu’entrepreneur salarié au sein d’une CAE (Coopérative d’Activité et d’Emploi). Nous mutualisons  la partie administrative et comptable et nous formons un collectif. La CAE m’a permis de lancer mon activité de torréfacteur et celle de Directeur Artistique au sein d’une meme structure.

Parlons de l’identité des Cafés de Mick. Comment as-tu créé tout l’univers autour des grains que tu torréfies : l’identité visuelle, l’empaquetage, le site web,…

J’ai donc créé les Cafés de Mick fin 2018 autour d’une idée simple : associer chacun de mes cafés à un bon moment de la vie et s’inspirer des arômes spécifiques à chaque origine. J’ai donc lancé une gamme de 3 cafés :

  • le Café du Matin qui sera toujours un café d’Amérique Latine,
  • le Café du Gouter inspiré des notes fruitées et florales des cafés d’Afrique de l’Est,
  • le Café du Dimanche, qui fait la part belle aux notes épicées et boisées d’Indonésie.

J’ai une expérience dans l’identité visuelle donc pour moi ça a été une évidence de créer un univers graphique fort autour d’un personnage facilement reconnaissable. J’essaie de travailler autour de ce personnage pour communiquer sur le packaging bien sûr et sur les réseaux sociaux.

Au commencement, tu utilisais le café vert importé par Beans on Fire. Puis, suite logique, tu t’es mis à acheter tes propres grains directement avec l’importateur Nordic Approach. Concrètement, ça se passe comment ? Tu fais ta « liste de course » ?

Oui, j’ai choisi de travailler avec des sourceurs particulièrement soucieux de la traçabilité des grains de l’arbre jusqu’à la tasse et de l’équité des revenus des petits producteurs. Je travaille avec Alex de Nordic Approach qui m’envoie des échantillons de grains torréfiés de manière neutre (medium) en fonction de mes inputs. Je choisis mes 3 cafés après tasting. Je peux me fournir aussi chez Roasters United, un collectif de torréfacteurs européens.

On parlait juste avant de l’identité de ta marque. Mais plus généralement, comment est-ce que tu mets ta « patte » ? Quels sont les clés pour se différencier dans un marché du specialty coffee français qui commence à être concurrentiel ? 

J’essaie de développer une marque de café accessible, surtout pas élitiste. Je veux créer du contenu sur mon site qui aide les nouveaux adeptes du café de spécialité à comprendre les différences d’une origine à l’autre et à bien choisir un moulin ou à préparer son café en fonction du profil de torréfaction. Je veux créer une relation de confiance avec mes clients. Et les surprendre aussi en dénichant de cafés aux notes différentes de ce qu’ils ont l’habitude de boire.

Comment fais-tu pour gérer la balance achat/stock/vente de tes grains ?

En gros, je tourne avec 3 sacs de 60-70 kg. Ils sont stockés à l’atelier de Beans On FIre. Je torréfie actuellement entre 30 et 35 kgs par mois (je suis un « micro-micro-torréfacteur » !)

Je passe commande dès que qu’il me reste moins de 15 kg par sac de café vert.

Quel est ta cible de clientèle ?

Ma marque s’adresse à tous ceux qui aiment les produits artisanaux, produits avec amour: Je torréfie à Paris, donc je m’adresse d’abord aux voisins, d’ailleurs je propose la livraison en triporteur électrique dans le nord de Paris ! 

Je privilégie la vente de pack de 250g sur le site www.lescafesdemick.fr et en retail dans les coffee shops et les épiceries fines, principalement dans le Nord-Est de Paris pour l’instant. Mais je m’adresse aussi aux PME qui souhaitent offrir du meilleur café à leurs employés. Quoi qu’il en soit, je vends mes cafés en grains uniquement car je voudrais que les clients réalisent l’importance de moudre son café sur l’instant, à l’image d’une orange pressée qui sera toujours meilleure qu’un jus en brique !

Tu stocks tes grains et torréfies chez Beans on Fire, tu as tes cartons de grains torréfiés chez toi, tu assures la livraison (en partie) toi-même… L’étape d’après, c’est un bureau fixe ? Voire ton propre matériel ? Comment vois-tu les prochaines années ?

Je viens justement de trouver un espace bureau fixe au Pré-Saint-Gervais pour les Cafés de Mick ! Je vais pouvoir y travailler et y stocker mes packs de café torréfié ainsi que mes cartons et le matériel qui me permettent de faire mes colis.

Pour ce qui est de mon propre torréfacteur, je l’envisage bien sûr, j’espère pouvoir ouvrir mon propre atelier dans les 3 ans avec une petite espace découverte et dégustation pour les clients.

Quels sont les pièges à éviter quand on lance sa propre marque de torréfaction et plus généralement, qu’on travaille dans le café ?

Hmmm bonne question… ! Mais je pense que je ne suis pas le mieux placé pour y répondre. Je pense par exemple qu’il faut s’y consacrer à 100% dès le début, ce qui n’est pas mon cas. Disons que mon activité de Directeur Artistique me permet de financer la marque Les Cafés de Mick. L’idée est que le café prenne tout mon temps dans les mois et les années à venir.

Revenons sur le café. Est-ce toi qui choisis ton café, ou est-ce ta clientèle ? Comment concilies-tu des demandes précises (par exemple de torréfaction) avec tes propres goûts ? Ce n’est pas un peu « frustrant » parfois ?

Il est vrai que j’ai dû adapter légèrement mes profils de torréfaction en entendant les réactions de mes premiers clients ; ils sont encore une majorité à être habitués au café « fort » et donc un peu sur-torréfié à mon gout. J’aime les torréfactions light qui permettent au café de s’exprimer avant de passer dans la phase de développement trop long qui va masquer ces subtilités. Mais je ne désespère pas ! Je suis convaincu que c’est une question d’éducation des palais et que les consommateurs préfèreront très bientôt eux aussi les torréfactions light ou medium.

En guise de conclusion, quelles sont les qualités obligatoires, ou disons, avantageuses, que doit-avoir un micro-torréfacteur en 2020 ?

La persévérance, la curiosité (il ne faut jamais s’arrêter de gouter des cafés de partout dans le monde) et je dirais aussi la modestie ; nous ne sommes qu’un petit maillon dans cette fabuleuse chaîne du café que nous formons avec les fermiers, les coopératives, les importateurs, les baristas et bien sûr les consommateurs.

Continuez votre visite et découvrez les cafés de Michael en vous rendant sur le site des Cafés de Mick.

Copyright photo : Claudio Fleitas et Saul Suaza

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